Aaah, "la charge mentale des enfants"… En avez-vous entendu parler ? Cette expression aurait-elle tendance à vous faire rigoler un peu ? Peut-être. Mais c’est un état de fait qui existe et un des motifs pressants de consultation en relation d’aide. On parle souvent de la « charge mentale » des mamans, de plus en plus même des pères. Mais on mésestime l’existence de la charge mentale vécue par les enfants et adolescents pouvant mener à un véritable état dépressif.

Ce thème a été vulgarisé par la psychologue clinicienne Aline Nativel Id Hammou, dans son livre La Charge mentale des enfants, Quand nos exigences les épuisent. Pour cette spécialiste la charge mentale des enfants recouvre les mêmes caractéristiques que celle éprouvée par les adultes : " un ensemble d'opérations mentales qui vont avoir une nature négative, coercive, obligatoire, et surtout qui vont être prenantes, dès le réveil (...) La forme de pensée sera toujours dans l'aspect obsessionnel : "n'oublie pas., "il faut que", "tu dois être", "tu dois correspondre à". Dans ces conditions, le jeune est réduit à ce qu’il fait, prisonnier des exigences d’autrui et court des risques d’épuisement et de dépersonnalisation importants.

Une des premières causes de la charge mentale sont les "transferts" des attentes parentales sur leur(s) enfant(s), processus où les sentiments/désirs des parents sont inconsciemment reportés sur son enfant. A cela s’ajoute souvent l’injonction ambiante de performance scolaire : être minimum dans "le Top 3" dans la scolarité, accumuler des savoirs, parler plusieurs langues dès la maternelle, s’astreindre à des heures de solfège, faire plusieurs sports, fréquenter des musées, etc. Cela se traduit dans les faits par un emploi du temps rempli, sans temps off pour intégrer tout ce savoir. Bien sûr, ce processus n’est pas dépourvu de réelles bonnes intentions. Le but est de permettre à son enfant d’avoir « toutes les cartes en main » pour réussir sa vie, trouver un emploi, s’insérer dans un monde archi-concurrentiel, le "mettre à l’abri". Ce sont de bonnes intentions...  mais qui reflètent surtout les peurs des adultes. Le jeune devient dépositaire de ces peurs. Or il n’a pas la maturité suffisante pour filtrer ces peurs, il les reçoit simplement en plein cœur et essaie de faire son mieux pour tenir le rythme car il ne veut pas décevoir, il faut être à la hauteur de cette norme imposée.

Mais un jour la corde est trop tendue. L'enfant/adolescent commence à avoir des maux de ventre, de dos, une main qui lui fait mal, toujours la même, on ne sait pourquoi car le check-up médical est excellent : le jeune n’a « rien » . Ou plutôt, si. Il dit un mal-être qu’il ne s’autorise pas/n’a pas la capacité d’exprimer. Et un jour, la corde craque ; le jeune s’écroule, physiquement et moralement. C’est à ce stade qu’il arrive dans les cabinets de spécialistes : triste, amorphe, agité, déprimé, anxieux, mutique. S’amorce alors un parfois long travail de reconstruction identitaire à laquelle -dans le plus profitable des cas- les parents sont associés afin de détricoter certains liens de transferts et de projections. Et lui laisser le TEMPS : de créer, s’ennuyer, jouer, papoter, rêvasser, observer, cuisiner, marcher… Sans fixer d’enjeu.  

Les enfants nous renvoient toujours à nous-mêmes. Ils nous rappellent nos limites, nos incohérences. Mais on peut rectifier le tir avec douceur. Notre enfant nous sera gré de l’initier à la bienveillance, en se laissant (à nous, parents! ) le droit à l’erreur et de lui monter que, non, la perfection n’est pas de ce monde. Les parents font "leur part": en s’intéressant à leur enfant, à sa personnalité, ses goûts et envies ; en travaillant leurs propres manquements ; en l’aimant le plus inconditionnellement possible ; en s'éloignant du culte de la perfection pour faire simplement de son mieux … Et ce "mieux" non culpabilisant est déjà très bien ! C’est un bon exemple, qui amène les enfants à cultiver une vraie force mentale, des capacités internes de résilience et de joie!