« Amour compassionnel »… L’expression a été lancée par Ellen Berscheid, professeure d’université et psychologue sociale américaine. Pour elle, l’amour compassionnel est à l’origine de préoccupations et d’actions au service d’autrui, sans attendre rien -ou pas grand-chose !- en retour. Cette idée a été explorée par quelques chercheurs depuis dont le chercheur en psychologie Maël Virat (ENPJJ, Ecole Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse). Ce dernier a ainsi publié en mars 2015 une thèse intitulée « Dimension affective de la relation enseignant-élève : effet sur l’adaptation psychosociale des adolescents(motivations, empathie, adaptation scolaire et violence)et rôle déterminant de l’amour compassionnel des enseignants ».
Pour M. Virat, l’amour compassionnel définit une relation asymétrique de responsabilité de l'adulte envers l'enfant. Cette responsabilité implique un intérêt réel pour l'enfant et une grande attention ; elle coûte de l'énergie et engage l'enseignant personnellement dans la réussite ou l'échec de l'élève. Dans l’amour compassionnel, il n’y a pas de « confusion de barrière », pas de copinage, pas d'intrusion malvenue ou de relation amoureuse. Pas du tout. Par contre, il y a un engagement affectif et comportemental comme :
Plus globalement, c'est tout ce qui montre que le professeur est investi comme individu, et pas seulement comme professionnel.
Virat fait état de centaines de travaux de recherche établissant les effets bénéfiques d’une relation de qualité avec l’enseignant, en ce qui concerne l’amélioration de l’estime de soi, de la motivation et de la réussite scolaire, la baisse de l’anxiété et réduction des problèmes de comportement. Et surtout aucune étude n’a montré d’effet négatif de la relation affective.
Les travaux autour de cette thèse ont le mérite de mesurer, interroger, analyser une réalité pour tout pédagogue souhaitant voir un élève réussir son projet d’apprentissage : l’impact de la manière d’être et de l’engagement affectif du pédagogue envers l’apprenant.
Une évidence ??? Pas pour tous, visiblement. Il est malheureusement trop « évident » que les compétences relationnelles et émotionnelles d’un pédagogue ne sont pas intégrées dans le cursus de l’Education Nationale. On assiste, au contraire, au « repli des enseignants derrière leur posture disciplinaire, la construction d’une distance professionnelle faite au mieux de neutralité, au pire de dédain, font partie du quotidien de l’école et génèrent l’échec des élèves les plus fragiles. Et il ne suffit pas de connaître ces principes pour les intégrer effectivement dans sa praxis d’enseignant. Il convient aussi de se connaître, dans ses qualités et ses travers, d’engager une démarche réflexive vis-à-vis de son attitude envers ses élèves. Il ne s’agit donc pas seulement d’informer les enseignants sur cet aspect essentiel de leur professionnalité, mais de les y former » (Didier Delignière, université de Montpellier, « Une bienveillance inconditionnelle: réflexions sur les relations enseignant-élèves », 2016).
Alors, quand le système français prendra-t-il en compte cette dimension affective, humaine au cœur de la relation pédagogique? Il semble important de relancer le débat si l’on veut vraiment voir en France, la mise en œuvre d’une école véritablement « pour tous », parfaitement « inclusive ».